Un styliste
Bendis a imposé son style. Il sait que toutes les histoires ont déjà été racontées et que ce qui compte c’est la façon de les raconter à nouveau. Sa mission est de rendre crédibles une fois de plus des histoires que tout le monde connaît. Ce qui compte c’est leur mise en forme, leur construction, celle-ci n’étant pas gratuite, mais servant à souligner les sentiments des personnages. Dans quel domaine pouvait-il faire autant usage de son talent de «re-raconteur» que dans l’univers bégayant de Marvel ? Dans ce cadre lucratif il a réussit avec brio le pari impossible de refaire ce qu’avait écrit Stan Lee plus de 40 ans auparavant à travers la série Ultimate Spider-man.
Un américain
Si depuis les années 90 la bande dessinée américaine est surtout regénérée par une vague de scénaristes britanniques (Alan Moore, Warren Ellis, Garth Ennis, Grant Morrison, Mark Millar…), Bendis, né dans l’Ohio, est le seul scénariste qui puisse leur faire face et ainsi sauver l’honneur de son pays. A défaut de la Presidential Medal of Freedom, les grands éditeursont vite repéré son talent et lui ont offert les dessinateurs qu’il mérite… Au premier rang desquels l’artiste (bulgare) Alex Maleev. Toute plaisanterie mise à part, le parcours de Bendis, comme celui de Tarantino, autre geek bavard, se coule parfaitement dans le mythe américain du self made man, de l’homme méritant recompensé à la hauteur de son talent. Commençant dans la bande dessinée indépendante, en noir et blanc, faite à la colle et au ciseaux, Bendis a atteint les sommets de son domaine ; ce n’est pas vraiment une raison valable pour le bouder.
Rapide survol de quelques unes de ses œuvres (éditées enfrançais) :
- Goldfish, Jinx (Delcourt). Deux bouquins bien épais, emblématiques de ses débuts. Bendis y fait tout. Goldfish est un arnaqueur qui cherche à récupérer son fils, sa chair, sa bataille, le fruit de ses entrailles des mains griffues de son ex, devenue maffieuse dirigeante de casino… C’est simple, magnifique et poignant : un amalgame réussi entre Tarantino, Soderbergh et De Palma. Du grand écran en papier ! Dans Jinx on retrouve Goldfish, quelques temps auparavant. Jinx c’est une relecture du Bon la brute et le truand, mais les cartes ont été mélangées et ont ne sait plus très bien qui est qui. La seule chose qui est sûre, c’est que Clint Eastwood est une femme.
- Sam & Twitch (Semic books, 4 tomes): Au départrien d’excitant dans ce projet. Sam et Twitch sont deux personnages secondaires de la série adolescente de Todd Mc Farlane, Spawn. C’est donc un spin-off, une série dérivée d’une autre série. Sauf que Bendis magnifie le projet commercial en tourbillon ellroyien et envoie bouler vite fait Spawn et les replis de sacape au profit d’une ambiance polar bien réaliste et adulte. Attention, ne pas confondre avec la suite publié chez Delcourt sous le titre « les Enquêtesde Sam & Twitch » où son successeur et comparse, Marc Andreyko, se montre bien moins efficace au scénario.
-Powers,Alias (5 tomes) et Daredevil (en cours, 8 tomes).Dans ces trois séries Bendis reprend le flambeau d’Alan Moore par une approche quotidienne et réaliste du super héroïsme et assouvie ses passions multiples en hybridant Super héros et Polar, définissant alors les contours d’un genre passionnant, désormais très en vogue. A l’origine publiée chez Image, la série Powers a été rachetée par Marvel, qui décidément ne veut pas qu'un bon filon lui échappe. Il est bon de préciser qu’Alias n’a aucun rapport avec la série télé. Stéphane a déjà écrit sur Daredevil dans ce blog, je ne vais donc pas trop insister (Si, si, c’est génial ! hurle mon cerveau cramé). Je peux néanmoins vous signaler un article intéressant ici.
Pour ceux que j’aurais encouragé ou convaincu, j’ai aperçu dans nos bacs quelques titres de Bendis, notamment un Jinx et des semic books… y’en aura pas pour tout le monde.