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Aaapoum, aapoum, apoum bapoum
 

L'origine

par Vlad

Souvent j'entends hurler depuis l'autre bout de la rue des troupes plus ou moins jeunes qui clament avec une emphase réjouie le nom de notre enseigne : "Aaaaapoum Baaaaapoum !!!!!".

Ce nom que mon cher collègue Stéphane n'arrive toujours pas à prononcer correctement au bout de 5 ans, puisqu'il s'obstine à dire "Librairie ApoumPapoum bonjour" lorsqu'il décroche le téléphone, en intrigue plus d'un.

On nous demande souvent pourquoi ce nom, d'où vient-il ? Certains nous soupçonnent de l'avoir choisi pour figurer parmi les premières enseignes de l'annuaire, ce qui est faux, car jusqu'à il y a peu nous figurions dans les pages jaunes sous le nom étrange de "J Defaye diffusion", ce qui vous en conviendrez, est parfaitement hermétique.

Aujourd'hui, pour fêter la fin de l'année, je me propose de vous en dévoiler l'origine ci-après...Cette interjection ne provient pas d'une bédé en particulier comme en était persuadé un monsieur l'autre jour. Le fondateur du magasin dit parfois qu'il s'agit d'un mantra bouddhique, mais lorsqu'il est d'humeur moins taquine, il raconte que c'est son premier né qui répétait cette formule à l'infini à l'arrière de la voiture... Mettant ainsi à rude épreuve la patience de ses parents et marquant à jamais leur mémoire. Le père, notant que cette interjection représentait bien dans son machinisme répétitif, l'implacable marche d'un commerce rentable tout en respectant un certain état d'esprit bonhomme, décida qu'elle ferait un nom parfait pour un magasin.Et voilà.

Cette version des faits me semble validée par le témoignage de mon amie Ariane D. qui me confiait l'autre jour que son second né de quelques mois faisait déjà le tour du salon à quatre pattes en répétant à l'envi "apoumbapoum... apoumbapoum... apoumbapoum..."

Ce qui laisserait penser qu'il s'agit d'un cri primal enfantin transgénérationnel...

 
Bon anniversaire Stéphane
 

Les 30 ans de l'homme-clavier

Aujourd'hui mon cher collègue Stéphane a 30 ans ! Venez donc lui faire plaisir en augmentant son chiffre d'affaire quotidien et en l'aidant ainsi dans le duel impitoyable qui l'oppose à moi.

Pour une fois suivez donc ses conseils de vente farfelus et écoutez ses surprenantes théories sur l'avenir de la bande dessinée et du monde en général ! Les juristes parmi vous pourraient aussi l'aider en écoutant ses déboires à propos de sa console Wii et des ses enceintes garanties à vie.

Bon anniversaire donc, je te souhaite que les cinq prochaines soient aussi distrayantes que les cinq passées. Promis je te fais pas chier avec le rangement pendant au moins... Une semaine.

Vlad

 
Un vrai bibliophile
 
 
Thorgal 29 : la fin justifie le moyen
 

Acharnement thérapeutique

par Vlad

Le sacrifice, tome 29 de la saga familialeThorgal est présenté à grand renfort publicitaire comme la fin du cycle écrit par Van Hamme. Le doute est entretenu sur son ou ses successeurs et sur leur domaine de travail... D'autres Thorgal... ou un cycle consacré à son fils, Jolan ? Le dessinateur Rosinski, après avoir fait mine de vouloir arrêter, se déclare prêt à continuer, à condition que se soit en couleurs directes. La couleur directe est d'ailleurs le principal argument de vente de cet album. Sur un forum bédéïque que je fréquente, nombreux sont les lecteurs qui s'extasient devant la performance du dessinateur-peintre. Certes les harmonies chromatiques sont plus pêchues que par le passé, mais ce virage technique est surtout une astuce de la part d'un vieux routard pour masquer sa difficulté croissante à pousser ses crayonnés et à assurer un encrage aussi prestigieux que par le passé (tares bien visibles sur le précédent épisode, le pathétique Kriss de Valnor). Ce que ne parviennent pas à farder ces touches de peinture, c'est l'incapacité — qui relève de la répulsion inconsciente— de Rosinski à retrouver les traits de son héros. Thorgal change ainsi de tête à chaque page, pour finir totalement méconnaissable et difforme sur l'ultime case, maladresse qui achève de saborder l'émotion souhaitée .

Les incohérences scénaristiques, elles, sont tellement omniprésentes qu'on se demande si elles ne font pas partie d'un exercice de style nihiliste, et le recours quasi-systématique au deus ex machina comme moteur de progression de l'action est  diablement lassant.

Merci messieurs, il était temps d'arrêter ! On pourrait même être satisfait de cet épisode en considérant qu'il vaut mieux que les deux précédents, s'il n'y avait les deux cases rédhibitoires que je vous laisse découvrir dans la suite...

Messieurs Rosinski et Van hamme, comment des auteurs peuvent fairevivre une situation aussi ridicule à un personnage qu'ils ont créé etqui les a accompagnés pendant 29 tendres années ?

Que nos amis qui n'ont pas encore lu cet épisode se rassurent, notre pataud héros n'aura bien sûr aucune bosse et conservera la totalité de ses dix doigts malgré ses expériences hasardeuses avec son épée. Au passage, ce serait pas mal de la faire correctement aiguiser... Mais il est vrai que les bons artisans se font rares.

 
Eloge de Brian Michael Bendis
 

Par Vlad

Depuis déjà quelques années scénariste-vedette de la plus grosse maison d’édition de comics du pays qui domine le monde, Brian Michael Bendis a-t-il réellement besoin d’être loué sur ce blog, surtout que Stéphane a déjà parlé de son Daredevil ?

Je réponds oui, car je vois des centaines de milliers de lecteurs potentiels à convertir parmi les rétifs à la culture « comics », parmi ceux qui se défient de la bande dessinée américaine qu’ils jugent envahie par les Super héros... Donc il faut le savoir, Bendis n’est pas qu’un auteur de comics, c’est un monument du patrimoine bédéïque mondial. Son œuvre concerne tous les amateurs.

À l’heure où est enfin sortie  chez Delcourt une traduction d’un de ses premiers ouvrages, le pavé Jinx, polar contemporain et théâtral – relecture douce-amère et sentimentale du Bon, la Brute et le Truand, je vais tâcher dans la suite de la note de convaincre les récalcitrants... Fans de Bendis, passez votre chemin, vous n’apprendrez rien ci-après.

Il faut lire Bendis car c'est...

Un passionné

Bendis a toute ma sympathie de dessinateur raté et paresseux car c’est un passionné de bédé qui voulant raconter des histoires l’a fait malgré son indéniable manque de don pour le dessin. A ses débuts, il s’est débrouillé tout seul et a assumé scénario ET dessin. A cette fin, il bricole et bidouille, trafique ses arrières-plans avec des photocopies de photos, reprend plusieurs fois la même image en la recadrant ou pas... Bref il dessine mal, pourtant sa narration vous emporte.

 Un bavard

Certaines des cases des œuvres où il assume lui-même le dessin demeurent hermétiques à tout décryptage, mais les lignes de dialogues viennent vous entraîner vers la suite du récit en une sarabande effrénée. Ces phylactères tourbillonnants qui vous agrippent l’œil dès l’ouverture sont la principale marque de fabrique de l’auteur. Bendis a fait du langage le personnage central.Le langage, sous sa forme dialoguée, est une énergie illimitée qui circule entre les gens et dans laquelle ils peuvent puiser sans retenue pour aller de l’avant, comme La Force dans Star Wars. L’une des figures bendissienne par excellence est d’ailleurs le baratineur, l’arnaqueur, qui produit de la réalité et s’enrichit (ou espère le faire...) par l’utilisation du bluff...Lorsque l’invasion de la surface dessinée s’interrompt c’est pour produire un effet de silence étourdissant qui donne une dimension et une intensité inégalable aux séquences concernées, souvent des séquences d’action. Si les personnages de Bendis la bouclent, c’est vraiment qu’il se passe quelque chose...

Un amoureux

Bendis aime ses personnages. En tant que véhicules du langage, ils sont de précieux écrins qui méritent toute l’attention du créateur. C’est avant tout leur psychologie et les recoins de leur passé traumatique qui l’intéressent, car ils induisent les rapport qu’entretiennent entre eux les protagonistes dans le présent. Ayant du mal à les abandonner ses créatures, l’auteur établit des ponts entre ses œuvres et fait réintervenir les unes dans les aventures des autres. Bendisapprécie par-dessus tout de placer ses personnages à la croisée des chemins deleur destin. Même l’intrigue la plus truffe est le prétexte à des dilemmes cornéliens, dont les victimes ont plus d’esprit que le pataud Rodrigue.

Un érudit

C’est un fin connaisseur de l’univers des super héros et un amateur de polar. Établissant un pont entre les deux genres, il permet à deux publics de passer d’un univers à l’autre... Fan de comics, mais de narration en général, les clins d’œil qu’il lance à ses pairs les geeks ne nuisent aucunement à la lecture des profanes. Ainsi on peut parfaitement découvrir Daredevil et l’univers Marvel par ses œuvres. D’autre part, son érudition passionnée lui permet d’utiliser l’histoire des comics comme matériau de certains de ses scénarios, entraînant ceux qui veulent bien le suivre dans une réflexion sur le médium bédéïque, le divertissement et l’image. Une approche voisine de celle d’Alan Moore, mais moins cérébrale.

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 Un styliste

Bendis a imposé son style. Il sait que toutes les histoires ont déjà été racontées et que ce qui compte c’est la façon de les raconter à nouveau. Sa mission est de rendre crédibles une fois de plus des histoires que tout le monde connaît. Ce qui compte c’est leur mise en forme, leur construction, celle-ci n’étant pas gratuite, mais servant à souligner les sentiments des personnages. Dans quel domaine pouvait-il faire autant usage de son talent de «re-raconteur» que dans l’univers bégayant de Marvel ? Dans ce cadre lucratif il a réussit avec brio le pari impossible de refaire ce qu’avait écrit Stan Lee plus de 40 ans auparavant à travers la série Ultimate Spider-man.

 Un américain

Si depuis les années 90 la bande dessinée américaine est surtout regénérée par une vague de scénaristes britanniques (Alan Moore, Warren Ellis, Garth Ennis, Grant Morrison, Mark Millar…), Bendis, né dans l’Ohio, est le seul scénariste qui puisse leur faire face et ainsi sauver l’honneur de son pays. A défaut de la Presidential Medal of Freedom, les grands éditeursont vite repéré son talent et lui ont offert les dessinateurs qu’il mérite… Au premier rang desquels l’artiste (bulgare) Alex Maleev. Toute plaisanterie mise à part, le parcours de Bendis, comme celui de Tarantino, autre geek bavard, se coule parfaitement dans le mythe américain du self made man, de l’homme méritant recompensé à la hauteur de son talent. Commençant dans la bande dessinée indépendante, en noir et blanc, faite à la colle et au ciseaux, Bendis a atteint les sommets de son domaine ;  ce n’est pas vraiment une raison valable pour le bouder.

Rapide survol de quelques unes de ses œuvres (éditées enfrançais)  :

- Goldfish, Jinx (Delcourt). Deux bouquins bien épais, emblématiques de ses débuts. Bendis y fait tout. Goldfish est un arnaqueur qui cherche à récupérer son fils, sa chair, sa bataille, le fruit de ses entrailles des mains griffues de son ex, devenue maffieuse dirigeante de casino… C’est simple, magnifique et poignant : un amalgame réussi entre Tarantino, Soderbergh et De Palma. Du grand écran en papier ! Dans Jinx on retrouve Goldfish, quelques temps auparavant. Jinx c’est une relecture du Bon la brute et le truand, mais les cartes ont été mélangées et ont ne sait plus très bien qui est qui. La seule chose qui est sûre, c’est que Clint Eastwood est une femme.

- Sam & Twitch (Semic books, 4 tomes): Au départrien d’excitant dans ce projet. Sam et Twitch sont deux personnages secondaires de la série adolescente de Todd Mc Farlane, Spawn. C’est donc un spin-off, une série dérivée d’une autre série. Sauf que Bendis magnifie le projet commercial en tourbillon ellroyien et envoie bouler vite fait Spawn et les replis de sacape au profit d’une ambiance polar bien réaliste et adulte. Attention, ne pas confondre avec la suite publié chez Delcourt sous le titre « les Enquêtesde Sam & Twitch » où son successeur et comparse, Marc Andreyko, se montre bien moins efficace au scénario.

-Powers,Alias (5 tomes) et Daredevil (en cours, 8 tomes).Dans ces trois séries Bendis reprend le flambeau d’Alan Moore par une approche quotidienne et réaliste du super héroïsme et assouvie ses passions multiples en hybridant Super héros et Polar, définissant alors les contours d’un genre passionnant, désormais très en vogue. A l’origine publiée chez Image, la série Powers a été rachetée par Marvel, qui décidément ne veut pas qu'un bon filon lui échappe. Il est bon de préciser qu’Alias n’a aucun rapport avec la série télé. Stéphane a déjà écrit sur Daredevil dans ce blog, je ne vais donc pas trop insister (Si, si, c’est génial ! hurle mon cerveau cramé). Je peux néanmoins vous signaler un article intéressant ici.

 Pour ceux que j’aurais encouragé ou convaincu, j’ai aperçu dans nos bacs quelques titres de Bendis, notamment un Jinx et des semic books… y’en aura pas pour tout le monde.