Publications par
H.M.S Sisyphe (Level I)
 

La triangulation bermudale est un peu short captain'

Sous la ligne -claire forcément- de flottaison, juste à la verticale des mille sabords du troisième pont, les moules, crochées à la coque, se désensablent les esgourdes à l'écoute des vibrations conversatoires de l'équipage, fredonnées par la structure craquante de bois, d'acier et de carton du navire.

~ Écoutilles fermées, Deathblow & Wolverine en mode ballasts, prêt à la vidange, bouclard paré aux manœuvres de plongée hivernale.

Le sourcil ébouriffé du quartier-maître Stanley plombe l'interrogation, après tout, si l'aspirant Scrat visualise le contre-torpilleur AAA en sous-marin, façon moonboots, où est-ce U-boat -le vieux moyen mnémotechnique "Dimitri et Lovecraft sont au ski..." ne fonctionne décidément pas- rien de dramatique sous le soleil de novembre. Puis, surtout, ne jamais contrarier un homme collectionnant les photos des cadavres décomposés des pires favelas de Rio. Particulièrement quand il a son sourire de Punisher sous acid. La dernière cliente ayant tenté ce combo s'est chopé un scooter en pleine poire, rien à dire, la fausse couche fut superbe.

~ Excellent. Cap sur la fin d'année engagé. Où reste le commandant Smyrn ?

D'une chiquenaude experte, l'aspirant engloutit sa septième chocolatine du matin. Contemple le lieutenant Stardust, poursuivie dans les rayons par un genre de phoque à parka difforme, répétant en boucle "vous gn'avez du gore ? gn'avez quoi comme Bd très gore, moi gn'aime le gore, gn'est gore ça ?" -l'ouvrage en question essayant d'échapper à ses mains suintantes, poisson manga souhaitant de toutes ses petites écailles en papiers atterrir plutôt sur les étagères d'une lolita sakura- avec un air sadique.

~ Calfeutré dans la canonnière, il croise vers l'archipel de Dante. Semblerait que le commandant Bullut ait foutu le bronx dans les cartes. Juste avant de se barrer en bordée à Singapour. De ce que j'ai capté, y'a le choix entre utiliser le relevé des courants du lac Léman pour faire le point dans la mer des Sargasses ou naviguer à vue.

Le sourire de Stanley ressemble à un encalminement d'ouragan. Un mélange entre Garulfo découvrant le monde et un Eusébe pensif.

~ La routine. Si on m'cherche, j'suis à fond d'cale, va y'avoir besoin d'poudre pour s'refaire en abordages. Si on m'trouve, j'veux bien un rhum 'vec mon thé.

Les moules se rendorment dans le gaufrier, bercées par le clapotis de l'océan sans surface des bulles effervescentes. A l'horizon se profile le fuselage du trimoteur Fokker F-Vll de l'amiral Benbow, cargaison de contrebande en parachutage annoncé, va y avoir du sport, Stan' reste tranquille, les coups de tabac ça se fume à la Popeye, juste des histoires supplémentaires pour emboucaner les infirmieres de la maison de retraite des vieux libraires décatis.

 
Exposition et Dédicace Laurent Maffre : les chambres du Cerveau
 

Enfin... une bonne adaptation littéraire

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Depuis bientôt dix jours, l’exposition des planches originales du dernier album de Laurent Maffre, Les chambres du cerveau, a investi nos murs. Une vingtaine d’originaux, magnifiques, sont présentés, noir et blanc charbonneux  baignés par l’expressionnisme des films de F.W. Murnau. De sublimes grands formats au service d’une nouvelle de R.L. Stevenson contant le meurtre d’un antiquaire la veille de Noël. Rien n’est à vendre, si ce n’est le livre que nous recevons la semaine prochaine et que nous vous conseillons chaudement. Ainsi, vous pourrez le faire dédicacer par son auteur, présent dans votre Aaapoum du 14 de la rue Serpente le samedi 8 novembre dans l’après midi et la soirée. Plus d'informations bientôt. En attendant, consultez ci-dessous l’article que Stéphane a publié dans le dernier numéro de Chronic’art pour en apprendre un peu plus sur l’album..

Les chambres du cerveau, Laurent Maffre d'après Robert Luis Stevenson, Actes Sud.

L'« adaptation littéraire » ne serait qu'une vieille prostitué si, de temps en temps,ne nous arrivaient une œuvre subtile et personnellecomme celle de Laurent Maffre.

L'adaptation littéraire est devenue une terre brulée d'où se démarquent péniblement quelques livres, au mieux vains. L'exemple type : le dernier Joann Sfar. Son Petit Prince est loin d'être la plus méprisables de ces productions, puisqu'une certaine forme d'intelligence le sauve. Mais son seul mérite, in fine, sera d'avoir été sage et respectueux jusque dans la mise en image, conciliation laborieuse entre l'aquarelle originelle de Saint-Exupéry et le plume vibrante du repreneur, ajoutant de-ci de-là une tête de Prévert ou Gainsbourg et deux trois volutes de fumée de cigarette, histoire de rappeler qu'il avait bien un univers Joann Sfar avant de se faire casser les jambes par les désidératas d'une commande Gallimard. Depuis deux ans, en effet, c'est l'avalanche, pas un éditeur qui ne se soit lancé dans ce genre facile à faire, facile à vendre, d'autant plus dans notre pays blindés de bibliothèques municipales qui n'attendent que cette caution littéraire pour s'équiper en sous-produits culturels plus connue sous le nom de BD. La consigne primordiale : pas de trahison pas de risque, encore moins d'interprétation ; on illustre le texte comme une notice de maquette d'avion. Et le genre, de devenir la tarte à la crème des industriels et des professeurs de primaires, pour le malheur des grands classiques. Stevenson, à ce sujet, est l'un des plus à plaindre, maintes fois poignardé par la bande dessinée, que ce soit par l'entremise d'Hugo Pratt et de Lorenzo Mattoti, qui ne s'étaient à l'époque pas foulés, ou, pire, par le déluge des modernes qui profitent des possibilités éditoriales pour massacrer ces chefs d'œuvres, sans personnalité, sans culture sans vergogne, et au moins trois fois cette année. C'est un contexte noir qui, par contraste, offre au travail de Laurent Maffre une valeur plus grande encore.

Adapter

Le mot adaptation devrait être suffisamment porteur de sens pour que celui qui s'y lance se pose un minimum de questions. La première interrogation de Laurent Maffre, la plus indispensable, est celle que ces collègues ne se posent jamais : « A quoi sert d'adapter L'ile au trésor ou L'Etrange cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde ? ». A rien, évidemment, puisque ce n'est pas dans ces sommets de perfection qu'il y aura quelque chose à extraire ou à apporter. Amoureux de Stevenson, il se tourne alors vers une nouvelle plus modeste, quoique très appréciée des amateurs : Markheim. Dans ce conte de noël commandé par un quotidien londonien, l'écrivain ressasse les pensées qui le travaillent, la nuit, dans ses fameux cauchemars que sa femme a pour charge de consigner. L'histoire commence lorsque un client entre chez un antiquaire, un soir de noël. Cette fois, il ne vient pas monnayer un des nombreux objets rares qu'il prétend récupérer auprès de son oncle mais acquérir en urgence un présent pour sa femme. Bientôt, le commerçant sera mort, poignardé par son visiteur, et l'assassin subitement confronté à inquiétant reflet, diable ou double de lui-même, jailli d'on ne sait où si ce n'est des nombreux miroirs disposés un peu partout, dans cette échoppe poussiéreuse croulant sous le bric et le broc. Dès le résumé, les ébauches de Jekyll et Hyde transparaissent, et avec eux le thème du combat entre le bien et le mal -libre arbitre et prédestination- qui se déroule en toute âme humaine. Pour autant, la nouvelle Markheim s'en distingue en de nombreux points, puisqu'elle ne conte pas l'abandon d'un notable à ses plus sombres penchants, mais au contraire la sursaut d'un criminel qui, reconnaissant avoir perdu tout contrôle sur sa vie, entame un couteux périple vers la repentance. Un détail scénaristique loin d'être anodin, en tout cas pour Maffre, puisque le lutte pour la liberté et la rédemption étaient déjà les thèmes au cœur de son précédent ouvrage.

Transposer

D'adaptation en adaptation, Maffre développe en effet son sujet pour l'enrichir de nombreux échos. Dans cette démarche, il inscrit son action la plus ambitieuse, celle qui oblige la nouvelle de Stevenson à dialoguer avec le reste de ses œuvres (le titre La chambre des cerveaux est tirée d'un texte de l'écrivain très éclairant sur le rêve) mais aussi, dans une plus large mesure, avec les thèmes de la condition humaine, de la folie et du double, à travers l'histoire de l'Art. Car si le texte originel opposait exclusivement le héros à un doppelgänger venu ébranler ses certitudes, Maffre enrichit ces confrontations, qui survenait principalement lors des rencontres avec un miroirs, d'autres reflets, cathartiques, que lui renvoient les peintures et autres œuvres d'art amoncelées dans l'échoppe de l'antiquaire. Cette idée lui permet non seulement de transposer une mise en scène essentiellement littéraire en une forme visuelle qui ne soit pas répétitive et laborieuse, mais elle lui permet de surcroit d'inscrire par-dessus les conceptions de Stevenson sa propre interprétation de la folie. Il imagine en effet ce magasin comme une mine d'or dans laquelle reposeraient tout aussibienle Marat Assassiné  de Jacques-Louis David que l'autoportrait Désespéré de Gustave Courbet ou Les caprices de Francisco de Goya. Et dans le choix du catalogue se dessine une conception singulière de la dualité, de l'homme comme être esclave de lui-même, condamné au témoignage de sa propre déchéance. Sur ces références (datant d'avant Stevenson), Maffre appose une esthétique expressionniste, citant à foison Murnau et Lang. Si bien que, très vite, les pages se retrouvent saturées d'intertextualité, baignant l'ancien récit dans une vision artistique et philosophique de l'humanité qui maintenant le dépasse, à la fois universelle, intemporelle, immanente. La couverture, à cet égard, est une parfaite introduction à ce projet puisqu'elle reprend le  Jugement dernier de Luca Signorelli, tableau dans lequel le diablesouffle à l'oreille de l'antéchrist un message sans que l'on sache jamais si le bras qui dépasse de sa cape est bien le sien ou celui du fourbe conseiller qui se tient derrière lui. Œuvre dense, LesChambres du cerveau n'est pas dépourvue de maladresses. Néanmoins la finesse de sa réflexion sur l'écriture de Stevenson et la mise en abime vertigineuse de ses thèmes jusqu'à notre actualité en font une lecture formidable. Et peut-être même l'ultime survivant d'ungenre en passe d'être à jamais galvaudé.

 
L'infirmière mystère !
 

La jeunesse a ses péchés que la vieillesse préfère sans doute oublier...

Une nuit de garde pour le docteur Anne, un blessé admis en urgence, il doit être opéré... Las, le professeur Dulin reste injoignable, Anne prend la décision de remplacer le chirurgien, risquant de provoquer la colère du grand patron de la clinique...

Et ce malgré la mise en garde de l'infirmière... Qui est ce mystérieux blessé ? Comment va réagir le professeur Dulin ? Anne gagnera-t-elle son estime ?

Ce récit de neuf planches, comportant de superbes a-plats couleurs so seventies, doté d'un suspense narratif équivalent à l'encéphalogramme d'une vache sous valium,  paru dans un magazine du début des années 70, est franchement dénué d'un quelconque intérêt fictionnel... Mais...Regardez attentivement cet extrait de l'histoire, examinez cette œuvre issue des mains d'un dessinateur débutant, considéré depuis, de façon unanime, tant par la profession que par les lecteurs, comme l'un des meilleurs auteurs franco-belges de ces trente dernières années.

Oui, mais lequel... Non ce n'est ni Zep ni Bilal...

 
Un jour férié mais pas trop...
 

Ou comment une vierge s'envoyant en l'air justifie un changement d'horaire

Ni pour la naissance de Napoléon, ni pour le décès de Macbeth, encore moins pour l'anniversaire de Ben Affleck, ni même pour celui d'Alain Juppé et de Régine Deforges, peut-être un peu pour l'avènement de Pierre Dac ou en mémoire de Walter Scott...

Dans tout les cas, ce vendredi 15 aout 2008, les boutiques Aaapoum Bapoum connaîtront une légère adaptation d'horaires.Dante et Serpente, même combat, seront ouvertes de 12h à 19h.

Ainsi, entre deux messes, une grasse matinée ou une sieste, il sera possible de baguenauder à loisir dans nos rayons. Mieux encore, en gage de soutien à ceux restant sur Paname en ce long pont estival, le pack de "Magdalena", l'arme secrète du Vatican contre les vampires, Ed. USA,bénéficiera d'une remise de 5€ (vingt euros les deux tomes au lieu des vingt-cinq euros habituels), pour toutes les personnes nous glissant d'un air dévôt la phrase "Je vous salue Marie Madeleine".

Le reste du week-end retrouvera une normalité de bon aloi, tant au niveau des horaires que des prix... Encore qu'il reste à prouver la possibilité d'accoler l'adjectif normal à l'espace temps Aaapoumien.

 
SEINS MARTYRS
 

L'amour qui fait « Gnup »

Les onomatopées sont  souvent dotées d’un fort symbolisme suggérant. Et persistant. Il suffit d’entendre «Gnap» pour que surgisse  immédiatement l’image d’un schtroumpf noir, l’œil pervers, la mâchoire aux aguets. Un «ZzzZzzz» évoque sans équivoque un sommeil profond au lecteur de bandes dessinées... Ce panel expressif, large, inventif, enrichi constamment par de nombreux auteurs, existe dans toutes les langues.

Se pose alors le délicat souci de la traduction : la détonation d’un fusil diffère entre l’ouest sauvage de Blueberry et les pérégrinations de Corto Maltese, les sensibilités sonores variant suivant la poudre et les époques. Et que dire si ces sons sont retranscrits de prime abord en kana ?

Ainsi les onomatopées illustrant certains dessins de Ryoichi Ikegami ont une saveur toute particulière, pétries de finesse et subtilité. Les images suivantes sont tirées des mangas Heat, Sanctuary, Crying Freeman et Strain… Panorama des bruissements du tripotage mammaire nippon.

 
La mascarade de l'adaptation
 

Plagiat autorisé

Existant sur support vidéo, audio, voire en comédie musicale, traduit en 180 langues et dialectes, le Petit Prince de Saint Exupery est le livre français le plus vendu au monde. Peut-il décrocher le titre de celui le plus mal adapté en bande dessinée ?

La réponse est comparable aux chroniques Bd sur le sujet, insipide.

La vraie question reste celle de l'adaptation, son intérêt, sa nécessité. Artistique et fictionnel s'entend.

De fait aucune. Sauf à offrir aux inconditionnels de l'œuvre, à ses détracteurs, au consommateur, un nouvel objet de bavouillage, d'admiration éperdue ou de fiel incendiaire. Achat pavlovien ou polémique d’intelligentsia, les marchands du temple encaissent le cash.

Opposer à cette pale imitation, justifiée par le prétexte convenu du changement de médium, la sincérité de la transposition relève de la plus évidente lucidité esthétique. Au sens philosophique du terme.

Ici

Puis là

Suite du strip

Et envoi...

Fff'mur, Le génie des alpages tome 1, Dargaud, 1972.