Publications par
L'Eternaute de Solano López et Oesterheld
 

Un monument de la Science-fiction

Scandale : un gros morceau du patrimoine mondial de la BD a atterri dans nos échoppes pendant que j'étais en vacances et il n'y en a eu aucune mention en ces pages !

Depuis plus d'une semaine vous pouvez acheter chez nous (et ailleurs) la plus célèbre des bandes dessinées argentines !!! 51 ans après son achèvement ce monument de la science-fiction a enfin été traduit en français[*].

Et ceci grâce aux éditions Vertige Graphic ! Aaapoum Bapoum ne pouvait passer à côté d'un tel événement.

Nous avons toujours été friands de la bande dessinée du Rio de la Plata, et que ce soit par hasard ou par choix délibéré, nous avons toujours réussi à en fournir à nos clients. C'est donc avec grand plaisir que nous vous incitons à découvrir cette "nouveauté".

L'histoire :

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Imagine que tu es en train de passer une soirée tranquille avec des amis... Tu joues aux cartes en buvant un verre, bien au chaud. C'est une longue soirée d'hiver idéale, les rumeurs belliqueuses du monde et les catastrophes écologiques sont bien étouffées par le confort de ton pavillon et par la solidité de tes fenêtres... Mais voilà que l'obscurité se fait... Une panne électrique ? Dehors une étrange neige s'est mise a tomber dans un silence inquiétant... Une neige phosphorescente... Vous vous approchez de la fenêtre pour constater que la vie s'est arrêtée... Les voitures sont stoppées... les passants gisent sur les trottoirs.

Comme toi et tes potes vous êtes loin d'être cons et plutôt scientifiques, vous faites vite le lien entre ces morts et la neige mystérieuse.

L'histoire commence donc comme un survival en lieu clos. Comment survivre dans un environnement hostile post-apocalyptique ? Comme Oesterheld le fera dire à ses personnages, c'est une variation sur le mythe de Robinson. Le pavillon de banlieue, refuge au milieu d'un océan de mort. Les héros se rendent pourtant vite compte qu'ils ne sont pas les seuls survivants, mais dans ce monde de pénurie, l'entraide semble avoir disparu et la menace extérieure évoque fortement une thématique sur laquelle le cinéaste John Carpenter brodera de nombreuses variations.

Le pire étant à venir : la neige mortelle n'était que la première étape de... l'invasion d'une invincible armada extraterrestre. La suite (extrêmement inventive) de l'histoire ravira les amateurs de récits de guerre désespérés où la dimension tactique est centrale.

Le contexte :

Les près de 350 pages de la saga de El Eternauta furent publiées pendant deux ans (1957-1959) dans la revue hebdomadaire argentine Hora Cero suplemento semanal. Cette revue de 16 pages imprimée en noir et blanc (sauf la couverture en trichromie) était de format à l'italienne. 

L'Éternaute en fut la série la plus populaire, depuis le n°1 (mercredi 4 septembre 1957) jusqu'au n°106. La revue ne survivra pas plus de 10 numéros après la fin de la saga. Néanmoins pendant 2 ans les Argentins se passionnèrent pour les mésaventures des survivants et leur combat contre l'envahisseur. On peut facilement imaginer qu'à cette époque où la télévision était un luxe, cette revue bon marché et de qualité régnait sur les rêveries des lecteurs, attendant impatiemment la suite... Ce feuilleton apocalyptique avait le bon goût de se dérouler dans un contexte famillier (les rues mêmes de Buenos Aires) et d'être en écho avec les angoisses de son époque.

Et "le Breccia" alors ?

Cette série eut un tel succès que Hector Oesterheld ne résista pas à la tentation d'en scénariser lui-même le remake dix ans après pour la revue Gente.

Cette fois-ci c'est son compère Alberto Breccia qui se charge de la partie graphique. La situation de l'Argentine ne s'étant guère améliorée, la junte toujours au pouvoir et les tensions s'exacerbant, Oesterheld semble se radicaliser en même temps que le mouvement social et ce nouvel Éternaute s'en ressent. Le graphisme fantasmagorique et suggestif de Breccia s'y déploie magnifiquement et exacerbe les tonalités résolument plus sombres et pessimistes du scénario.

Nous reviendrons sans doute dans une note ultérieure sur les différences entre les deux œuvres, ainsi que sur les nombreuses suites et variations que la saga engendra. La "version Breccia" fut éditée en france par les Humanos en 1993... épuisée depuis longtemps, on la trouve encore chez... Aaapoum Bapoum !

L'objet :

Mais revenons à la nouveauté, le Solano López. Les éditions Vertige Graphic ont fait un long travail de recherche pour nous présenter une édition réalisée d'après les planches originales. Si une vingtaine d'originaux sont demeurés introuvables, la plupart des pages de la présente édition offrent une bel écrin au dessin précis de Francisco Solano López. Vertige Graphic publiera en trois volumes l'intégralité de L'Éternaute.

Le deuxième devant paraître en mars. En attendant, les 128 pages du premier tome sont fort denses et devraient vous tenir un moment en haleine. 20 €.

[*] Étant un ignare qui cherche à se soigner, je découvre après avoir écrit cette note que L'Éternaute semble déjà avoir été publié en France dans le petit format Antarès (éditions Mon journal) au début des années 80, du n°38 à 54, sous le nom de L'Ethernaute... Ne les ayant pas, je ne saurais dire si cette édition fut complète ni quelle en fut la qualité. La revue Antarès n'étant pas a l'italienne, on peut craindre un remontage déplaisant.

 
Kubert (3) : Sergent Rock, Anthologie 1 chez Soleil
 

Le triomphe de la volonté

Non, Sergent Rock n'est pas une série racontant la guerre du Vietnam, comme le croyait un de mes associés que je ne dénoncerai pas, quoiqu'il l'aurait bien mérité.

Non, Sergent Rock n'est pas une série antimilitariste se déroulant en Corée, comme le racontait un client docte à un de ses amis.

Oui, Sergent Rock raconte les aventures de la Easy Company, ces braves soldats Américains venus libérer l'Europe de la botte germaine. Oui exactement les mêmes que dans l'efficace série télé Band of Brothers.

C'est donc une série DC comics créée en 1959 (d'abord sous le titre de Our Army at War) par Bob Kanigher sur laquelle a œuvré une belle brochette de dessinateurs : Ross Andru, Russ Heath, John Severin...

Mais c'est surtout l'excellent Joe Kubert qui lui donna ses galons.

Sans être antimilitariste, la série ne cherche pas à masquer l'horreur de la guerre. Davantage que l'apologie de l'obéissance et de la hiérarchie, le titre et sa galerie de personnages défend le triomphe de la volonté humaine et de la chair contre les tonnes d'acier roulants. L'affirmation de la singularité et de la dignité de chaque être humain est donc la clé de ces planches, et non l'observation historique stricte de la Seconde guerre mondiale. Axées sur les personnages, les séquences tactiques sont ainsi rigoureusement décontextualisées. Pourtant, on se prend assez vite à s'attacher à ces combats, dynamisés par un récit à la première personne.

Alors évidemment, les éditions Soleil ne publieront jamais la suite de cette "Anthologie 1", qui promettait de réunir enfin la saga initialement publiée en France dans une galaxie de petits formats d'histoires de guerre, jadis très populaires...

Vous croyiez quoi ? Que Monsieur Boudjellal allait plomber sa tréso pour une poignée d'archivistes loqueteux ? Fallait l'acheter à sa sortie les gars, pour leur montrer qu'on en avait dans le ventre et qu'on était des milliers à suivre potentiellement la série, leur montrer que l'entreprise était rentable ! Las...

L'Anthologie 1 et ses successeurs fantômes furent éradiqués du catalogue Soleil. L'avantage, c'est évidemment toujours le même, c'est la litanie des mes présentes notules :

Vous pouvez donc trouver chez AAAPOUM BAPOUM ce livre à un très bon tarif :

14,90 €

au lieu des 28,50 € initiaux. Hardi, boys ! Vous m'en mettrez deux pour Noël : un pour mon père et un pour mon oncle.

Sgt. Rock :

anthologie 1, 168 p., noir et blanc,  album cartonné sous jaquette avec une préface de Joe Kubert, Soleil, 2004.

Article publié le 13 décembre 2008

Dans nos archives, vous pouvez également lire :

Joe Kubert (1) : face au Viet-công

Joe Kubert (2) : Abraham Stone

 
Ushijima de Shôhei Manabe
 

Homo homini lupus

Commencer un Ushijima avant de s'endormir et le finir au réveil est une expérience extrême qui peut être plus déprimante que de prendre le métro ou d'écouter les infos.  Ce manga combine deux regards : une vision froide et distante de la société à la manière d'un documentaire sur les glucides et un récit introspectif nous faisant partager le ressenti d'une partie de la population. Une partie seulement. Car l'humanité décrite ici se divise en deux : les prédateurs et les proies.

Or à longueur de volume c'est le point de vue des victimes qui vient hanter le lecteur en une avalanche de pensées affolées. De cette exposition peuvent germer deux sentiments qui se combinent subtilement : l'empathie et le dégoût. Les deux sont également dérangeants, soit que l'on se reconnaisse potentiellement dans cette incapacité qu'ont les personnages à sortir de leur ornière, à ne pas recommencer sans cesse les mêmes erreurs, soit que l'on se surprenne à être insensible à leur misère.

Si l'auteur nous donne à partager les affres des victimes,  les prédateurs (usuriers, proxénètes, banquiers, yakusas, truands de tout acabit) sont eux toujours présentés comme impénétrables et insensibles. Leurs pensées nous sont masquées. Leurs desseins nous restent mystérieux. Qu'est-ce qui les anime ? La cupidité, certes, mais pourquoi ? Quels sont leurs rêves ?

Description factuelle pour les prédateurs et focalisation interne pour les victimes : cette opposition de traitement expose efficacement la dualité de la société. Les premiers sont comme une meute et sont capables de s'entraider, de combiner leurs arnaques pour s'enrichir mutuellement sur la peau de leurs proies. Les seconds non contents d'être isolés, n'éprouvent aucune compassion pour leurs semblables. Cette vilenie ne les sauvera pas de la horde.

Outre la qualité documentaire habituelle à la série, qu'il s'agisse des subtilités des taux d'intérêts ou de l'exploration des diverses catégories nipponnes de losers, le tome 8 qui vient de sortir, resplendit par ses paysages urbains. S'ouvrent ainsi, loin de la Bourse, des espaces indistincts et périphériques, des non-lieux où des silhouettes humaines errent, dans une nuit perpétuelle ; désespérément seules.

 
Manga, 2008, Novembre 2008Commentaire
Le zonedu prosélyte
 

Au delà du loufoque

Il pourrait postuler pour Pirates des Caraïbes. On l'imagine bien sorti du bayou, ayant égorgé une famille d'alligators et tous les pêcheurs du coin. La première fois que je le vis dans le magasin il y traîna un moment, visiblement planant dans des strates qui me restent inconnues. Il se décida pour une revue Circus à 1 €. Celle-ci payée il m'en montra d'un doigt crochu et crasseux la quatrième de couverture présentant une pub pour la collection Vécu. Sous son ongle noir, un visuel de Yérushalaïm tome 1 et sa svastika.

Il me désigna ensuite fièrement les deux S de son T-shirt Kiss. Mon diagnostic était achevé lorsqu'il entonna d'une voix éraillée une psalmodie célèbre, m'intimant d'un geste de l'accompagner. Devant mon refus répété il partit dépité en me restituant le Circus. J'encaissai la pièce de 1 euro et remis la revue a sa place.

Hier il semble qu'il ait réessayé avec notre collègue Lady Stardust... qui a commencé par subir un baise main (hhhheurgh...) avant la leçon de diction. Leçon qui s'est également soldée par un échec.

Non mais ! Les clients croient nous avoir avec 1 euro !

 
Mœbius, Toppi, Manara et Crisse...
 

Aujourd'hui, rue Dante, j'ai mis en rayon :

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  • Le tirage de tête de Après L'Incal tome 1 : le nouveau rêve. 2001. n°143/500. Co-édité par Canal BD et Stardom. Signé par Mœb et Jodo, bien complet avec son tiré à part sérigraphié. Prix : 90€. Pas excessivement rare (d'ailleurs nous le vendons en dessous de son prix d'origine), ce tirage de tête est intéressant, malgré sa couverture ratée : en effet c'est l'unique moyen de lire la dernière collaboration des deux auteurs sans les horribles couleurs numériques de Beltran. L'histoire est inachevée, le projet est enterré et effacé, laissant désormais place à un Final Incal dessiné par Ladronn que je n'ai pas lu (d'ailleurs, si quelqu'un à un avis dessus, qu'il n'hésite pas à laisser un commentaire) et pourtant j'ai chez moi un exemplaire de ce TT. Si c'est pas un argument de vente, ça !

  • Dans la série Un homme Une Aventure : deux Toppi : L'homme des Marais et L'Homme du Mexique. Chacun en bel état et à 40 €.

  • Le Tirage BD MUST 2006, 333 exemplaires n° et signé avec tiré à part du Borgia tome 2 le pouvoir et l'inceste, de Jodorowsky (encore) et Manara. Prix : 95 €.

  • Et pour faire plaisir à notre ami Fritz, un petit Crisse atypique, un Crisse fait pour les Américains : le n°4 (2001) de la série Tellos (correspondant au numéros 7 et 8 de la VO). Tellos est une douce fantasy peuplée de guerrier à tête d'animaux et de femmes pirates. Notre exemplaire à l'avantage d'être orné d'une jaquette numérotée et signée par Crisse. Une jaquette éditée par la librairie BOUQ EN STOCK de La Rochelle et tirée à 200 exemplaires. Le prix : 20 €.

J'ai mis d'autres bricoles en rayon, mais là j'ai plus le temps de vous en parler, faut que je range... Sinon avec les mangas et les piles de trucs à l'extérieur j'ai pas fini avant 20h30 !

 
Stade anal et psychanalyse
 

"ça sent le fleuve !"

A l'heure qu'il est mes camarades rue Serpente doivent être en train de finir (ou de commencer à envisager de finir) la mise en place de nos arrivages de la semaine passée.

Parmi les piles vous pourrez trouver deux BD d'un ex-jeune auteur : Martin Veyron. Si vous n'avez jamais lu les livres de ce formidable commentateur de la bourgeoisie eightie, le Plus lourd que l'air (1982), deuxième tome des aventures de Bernard Lermite sera une bonne introduction. En état neuf à 7€ (réédition 1994), c'est une expérience qui se tente, même si les planches sont moins bien reproduites que lors de leur publication dans L'Echo des savanes.

Bernard Lermite se laisse comme à son habitude porter par les vents... littéralement dans la première histoire d'ailleurs, puisqu'il se fait balancer d'un avion en plein vol par un équipage ne supportant plus ses flatulences. La plupart du temps Lermite ne fait rien, il traverse impuissant les épisodes. Pourtant les événements semblent toujours se révéler accommodants. "La vie ne s'acharne pas sur ceux qui baissent les bras" théorise-t-il dans le savoureux épisode "Moudougous".

Dans l'explicitement titré "Caca rente", one shot sorti en l'an 2000, on voit en revanche un salopard has-been se démener pour retrouver le succès. Lourdement métaphorique sur la façon dont l'argent se gagne dans la société de consommation, ce n'est certainement pas le meilleur Veyron, mais l'artiste brille toujours autant par la description de certains milieux citadins et sa grande capacité à réinventer sans cesse l'anti-glamour.

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Dans un registre plus dramatique nous avons également reçu la deuxième des "Errances de Julius Antoine", l'excellente trilogie dessinée par Christian Rossi et scénarisée par Serge Letendre. Julius Antoine est un type fragile qui ressemble un peu à Norman Bates dans le film Psychose. Les trois albums qui lui sont consacrés peuvent se lire indépendamment ce qui est bien pratique.

Avant de lire le 2 "La maison", que vous allez acheter chez nous en état neuf à 7€, il vous suffit de savoir que dans la première histoire, ce pauvre Julius a beaucoup de problèmes suite à la fascination qu'exerce sur lui une jeune fille mineure.

Dans La maison, Julius retrouve dans la demeure familiale son frère et sa sœur pour assister aux derniers jours de leur sadique de mère. Dès lors traumatismes de l'enfance et psychoses sortent du placard en une folle sarabande et chacun en prend pour son grade, surtout notre anti-héros, toujours aussi peu doué pour éviter les pièges.

L'album date de 1987, et franchement à l'époque, ils n'étaient pas nombreux les auteurs à parvenir à aborder avec succès des thématiques aussi troubles et psychologiques dans la bédé française. Si vous préférez lire l'intégralité des Julius Antoine, nous en avons une série à 25 euros rue Dante.

 
Lebeault a bien travaillé
 

Convictions et trahisons

Ce qui est bon avec les principes c'est de les trahir de temps en temps pour pouvoir mieux juger de leur justesse.

Ainsi moi j'ai comme principe de ne jamais mettre de pièce en réservation si on ne me verse pas des arrhes. J'ai de collègues qui ne respectent pas ce principe, sans doute pour avoir l'air cool, si bien que tous les six mois je suis obligé de faire le ménage dans notre armoire de réservation remplie de trucs que des braves gens ne sont jamais venus chercher. Vous avez compris : le mec pas cool, c'est moi.

La dernière fois que j'ai fait le ménage parmi les livres oubliés qu'il fallait remettre en rayon, je retrouve deux belles éditions originales de Horologiom soigneusement dédicacées...

Or là, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, c'est de ma faute... Il y a 6 mois j'avais fini par capituler. Au bout d'une demi-heure de "Je te les prends à coup sûr la semaine prochaine ! Je t'assure ! Tu me connais Vlad ! Quand je dis quelque chose je le fais ! Je ne me permettrais jamais de faire mettre quelque chose de côté pour rien ! La semaine prochaine à coup sûr !". Bref, j'avais failli, je m'étais trahi moi-même, ce qui me permet aujourd'hui de triompher paradoxalement : Ô comme mes principes sont beaux et justes, comme mon analyse des comportements humains est fine et élaborée.

 Donc nous avons à nouveau deux belles pièces à vendre. Il s'agit des tomes 3 et 5 dédicacés deHorologiom en édition originale. La dédicace du 3 (65€) consiste en un audacieux contrechamp de la couverture comme les visuels vous permettent de le constater.

 
Pravda (1968-...)
 

Les survireuses sont éternelles

Guy Peellaert est mort lundi comme je l'apprends sur ActuaBD.

Pravda la survireuse (Losfeld, 1968, une hisoire coécrite par Pascal Thomas) fait partie dela poignée de BD pour laquelle je n'ai aucune objectivité. L'ayant lueet relue sous toutes les coutures durant mon enfance,  avant même demaîtriser l'alphabet, ses planches sont à mes yeux chargées d'unmystère frôlant le divin. Certes l'aspect sexuel n'est pas étranger àcette fascination. Je sentais bien qu'il se passait en moi desréactions inédites à la vue de ces chairs tantôt criardes ou blafardes,de ces poses lascives... Assurément c'était une lecture qu'il étaitconvenable de faire isolé, dans le recueillement d'un bureausilencieux, dans un coin de bibliothèque quand la lumière oblique dusoleil transforme la poussière en paillettes d'or suspendues. Maisle frisson pré-érotique ne peut seul élucider la portée de ces images,de ces péripéties étranges, de ces activités incongrues, de cesrapports de force dévoyés...

Une chose est sûre. Pour moi il n'y a aucun humour dans Pravda.Ce n'est pas un bouquin rigolo, qu'on s'achète parce "c'est fun".Pravda c'est sérieux, il faut s'y immerger ou ne pas y toucher. Vaderetro amateurs de kitsch et de gaudriole ! Passez votre chemin,vampires de sofa !

Le Seuil doit rééditer Pravda le 15 décembre 2008. Un tempsbradée à 10 francs chez Boulinier, l'édition originale était devenueassez onéreuse (difficile de s'en sortir pour moins de 50 euros, etencore pas chez nous), c'est donc une bonne nouvelle : ceux qui neconnaissent pas pourront se faire un avis. Espérons que la qualité del'objet soit à la hauteur de l'événement. Éditeurs, le monde vousregarde.

Peellaert c'est aussi celui qui signa les pochettes de plusieursdisques qui sont des jalons de mon histoire personnelle. Mais trêved'épanchement, je vous laisse, qu'on ne me dérange pas.

 
Les bretelles de Tintin
 

Lisibilité et cohérence

Les héros de BD se doivent d'être reconnaissables avec aisance. Plus que leurs cousins de littérature et de cinéma, il faut qu'ils soient immédiatement identifiables. Ainsi classiquement, chaque personnage récurrent se voit affublé d'une panoplie, qu'il s'agisse d'un héros costumé ou non. Les héros de BD sont toujours habillés pareil. Possèdent-ils chaque pièce de leur équipement en un nombre considérable d'exemplaires (à l'instar de Schwarzenegger dans Last Action Hero), font-ils une grande lessive entre chaque épisode ou sont-ils simplement crados ? Difficile de trancher. Ce qui est sûr, c'est que le changement de costume est toujours signe d'aventure, de danger, de circonstances liées à ce qui est en train de se dérouler sous les yeux du lecteur et surtout... temporaire. Ce n'est pas pour rien qu'un des plus célèbres des héros de BD a mis plus de 40 ans avant de timidement troquer ses pantalons de golf pour des jeans de la même teinte.

Il est connu que les albums de Tintin furent souvent remaniés par Hergé, afin de les moderniser, d'en corriger les éventuelles erreurs. Ces infimes nuances ne peuvent qu'encourager les collectionneurs dans leur compulsive passion. Certaines des aventures de Tintin, à partir du Temple du soleil furent prépubliées dans le Journal Tintin (dit aussi Journal de Tintin) sur la double page centrale. Ainsi, le plus ou moins jeune lecteur découvrait au cœur de son hebdo, trois magnifiques strips à l'italienne. Passer de ces trois strips à l'italienne à une planche classique de quatre strips pour la version album est une opération délicate qui nécessite de nombreux remontages et élagages. Ainsi des portions d'images, voire des cases entières peuvent disparaître. Un album Casterman, réédité en 2003, permet de constater ces modifications pour Le Temple du soleil, dont il reprend la version journal.

Récemment, je feuilletais de vieux Journal Tintin du milieu des années cinquante et m'amusais à constater les différences entre la "version originale" à l'italienne de L'affaire Tournesol et son édition album (L'affaire  Tournesol fut publiée du n°328 de février 1955 au n°389 du 5 avril 1956 de l'édition française de l'hebdomadaire)... Outre des cases qui m'étaient jusque là inconnues, une bizarrerie surgit avec force : dans une vignette de la planche 58 Tintin ne porte pas la panoplie habituelle que je m'attendais à lui trouver. Au lieu de son pantalon de golf marron, on lui voit un pantalon bleu soutenu par des bretelles... Je me reporte à l'album : il y arbore bien son pantalon de golf. Dans la séquence précédente Tintin et Haddock étaient travestis, tâchant de se faire passer pour des délégués de la Croix-Rouge afin de faire évader Tournesol. Dans la version album, Tintin commence à se changer au cours de la poursuite en voiture, ce qui lui permet d'avoir retrouvé sa panoplie après l'accident, alors que dans la version journal, il est encore à moitié déguisé après l'accident. Pourquoi ce subtil changement ?

La réponse semble évidente lorsque l'on a l'album entre les mains (ce que je vous conseille de faire) : c'est effectivement ce moment qui fut choisi pour en constituer la couverture. Scène vue à travers la brisure d'un aplat jaune, forte diagonale verte, Tintin de dos (comme sur seulement trois autres couvertures de la série)... Sans doute Hergé a-t-il jugé son visuel suffisamment déroutant sans, en plus, changer la panoplie de son héros. On remarque au passage que si Haddock garde alors son déguisement, il retrouve dans la version album des couleurs qui lui sont plus coutumières, le pardessus du déguisement passant de marron à bleu marine. Ainsi par souci de lisibilité, Hergé supprime les bretelles de la couverture et par rigueur et souci de cohérence, il les ôte aussi de la scène correspondante. D'ailleurs, la seule case qui montrait le bas du déguisement de Tintin et ses jambes de pantalon a également été retirée de la version album, si bien qu'on peut penser qu'il avait gardé son pantalon de golf, ce qui évite de heurter la vraisemblance avec un conducteur changeant de culotte pendant que son véhicule fait des tonneaux. Voilà un auteur qui avait le souci du détail !

Ci-dessous vous pourrez lire la Charte d'utilisation des visuels de l'œuvre d'Hergé énoncée par la société Moulinsart, qu'il est toujours utile de connaître quand on ne veut pas de problèmes  (charte trouvée sur objectiftintin.com, un site qui connut récemment quelques bouleversements...).

Charte d'utilisation des visuels de l'Œuvre d'Hergé

Afin de préserver l'intégrité de l'œuvre d'Hergé tant au niveau destextes que du trait et des couleurs, la SA Moulinsart interditformellement et de manière absolue toute modification, retouche,adaptation, interprétation artistique, collage et autre reproductionnon autorisée, sous quelque forme que ce soit (numérisation,photocopie, etc) et sur tous supports généralement quelconques, desnoms, personnages, objets et autres symboles extraits de cette œuvre.

De plus, la reproduction des visuels extraits de l'œuvre d'Hergé est soumise aux conditions suivantes :

* Le copyright suivant doit être mentionné distinctement à proximité de tous les visuels de l'œuvre d'Hergé reproduits :

© Hergé/Moulinsart 2007

* Il est strictement interdit :

- de reproduire des visuels extraits de l'œuvre d'Hergé pour illustrerdes thèmes liés à l'argent, à la politique, au monde médical ouparamédical, au sexe, aux armes, à l'alcool, à la drogue et au tabac ;

- de reproduire des visuels extraits de l'œuvre d'Hergé sur lacouverture d'un magazine si l'article ou le dossier consacré à Hergé età son œuvre est inférieur à trois pages A4, illustrations noncomprises ;

- de reproduire des visuels extraits de l'œuvre d'Hergé sur lacouverture d'un livre consacré, en partie ou entièrement, à Hergé et àson œuvre sans l'autorisation préalable de la SA Moulinsart ;

- de reproduire de manière isolée des éléments des couvertures d'albums de l'œuvre d'Hergé ;

- de reproduire tout ou partie de la galerie de portraits figurant sur les deuxième et troisième de couverture ;

- de modifier le texte original des phylactères, couvertures, etc. oud'ajouter un texte quelconque au(x) visuel(s) sélectionné(s) ;

- d'utiliser la police de caractères (typographie) d'Hergé en dehors dela reproduction des visuels sur lesquels elle est utilisée ;

- de modifier les couleurs, le trait ou l'orientation de l'image (parex.: si Tintin regarde vers la gauche, ne pas retourner l'image demanière à ce qu'il regarde vers la droite) ;

- de réaliser des collages ou des superpositions (les visuels nepeuvent couvrir ni être couverts par une autre image ou du texte) ;

- d'associer des visuels extraits de l'œuvre d'Hergé à des visuelsextraits de l'œuvre d'un autre auteur et ce, à des finspromotionnelles ou commerciales ;

- de reconstituer un strip de plusieurs vignettes n'existant pas dansl'œuvre originale - le changement de l'ordre des vignettes ainsi quela composition d'un strip à l'aide de vignettes qui ne respectent pasl'ordre initial de l'œuvre originale ne sont pas autorisés ;

- de redessiner des visuels, y compris pour un modèle, une peinture, une sculpture.

D'une manière générale, les visuels fournis par le Studio Moulinsartdevront être utilisés tels quels, sans y apporter de modification oud'adaptation.

 
Un gros mot
 


¡ Por Dios, une pinaille !

Sympathique cette commémoration des 20 ans de la collection Aire Libre. Les classiques de la politique des auteurs par Dupuis sont réédités sous jaquette avec des pages en plus (esquisses et blah blah, de quoi exciter le collectionneur).

Le prix est en conséquence. Dommage que les éditeurs n'en aient pas profité pour corriger les erreurs. Ainsi 8 ans après, dans La terre sans mal de Emmanuel Lepage et Anne Sibran, la pauvre Eliana continue de se faire traiter de femme de petite vertu dans un sabir douteux.

En effet, "putana" ne veut rien dire en espagnol, même de l'autre côté de l'Atlantique.